Ce qui étonne nos enfants ou pas

Depuis neuf mois je suis très attentive à ce qui peut surprendre, étonner ou émouvoir nos enfants en Inde. En fait, ils sont beaucoup moins surpris que ce que je pensais car vu l'imagination débordante qu'ils ont, après tout voir un éléphant en plein coeur de Delhi dans les embouteillages, ou un singe dans la cour de l'école ou sur le balcon c'est amusant mais ça n'a rien d'extraordinaire pour eux. C'est surtout moi qui en suis la plus étonnée! Leur dire :"ne jouez pas dans les buissons, il y a des cobras et des léopards ici!" ne les fait même pas ciller, c'est tellement drôle de jouer à cache-cache dans les fourrés avec une bande d'enfants! j'ai juste droit à un "t'es pas drôle maman, avec toi on peut rien faire pfffff..."

Ce qui les émeut et surprend le plus c'est la pauvreté, la maladie, le handicap, les malformations, la mort qu'ils voient dans la rue, sur le chemin de l'école. Alors le flot de questions nous assaille: pourquoi la petite fille est seule dans la rue? Pourquoi on ne peut pas donner d'argent? C'est quoi la mafia? Pourquoi la police n'arrête pas la mafia? C'est quoi une ONG? Et la dame pourquoi elle est toute tordue? Est-ce que ça peut m'arriver? Moi aussi je peux être pauvre un jour et dans la rue? Pourquoi le garçon n'a pas de bras? Pourquoi le monsieur rampe sur le sol? Qu'est-ce qu'ils vont faire avec le mort? C'est quoi incinérer? C'est quoi l'hindouisme, la réincarnation? Pourquoi la dame ne va pas à l'hôpital?
Olivier quant à lui, ne voit rien de tout cela et hurle de rire (c'était gênant la première fois) quand un mendiant de notre quartier tape à la vitre de notre voiture, il est vieux, aveugle, sans dent, avec un turban orange sur la tête et quant il signe avec sa main pour dire qu'il a faim, Olivier lui, voit une sorte de guignol qui fait des mimiques.
Maintenant Mélanie a des poupées "pauvres", et un jour avec une amie, elles ont déshabillé Olivier, l'ont porté dans les bras et sont venues vers moi en disant "allo ma'm bhookha* " imitant ainsi les mendiantes.
J'en profite au passage pour mettre le lien d'un article de la Banque Mondiale à propos de la malnutrition des enfants en Inde.

Nos enfants sont surpris par l'ampleur des fêtes avec leurs lots de feux d'artifice et de pétards, par l'intérêt qu'ils suscitent à chaque sortie: pourquoi on me prend en photo? Ils sont étonnés de devoir dire "namaste" à la voisine du rez-de-chaussée, qui est hindoue et "assalam alikum" à la voisine du premier qui est musulmane et qui se vexe si on lui dit "namaste", d'où encore des questions sur les religions et la susceptibilité de chacun.
Ce qui a aussi bien surpris les grands au début, ce sont les gardes que l'on voit de partout devant les magasins, à l'entrée des quartiers, de l'école, des banques, des marchés, des malls et aéroports, parfois armés d'impressionnants fusils ou mitraillettes et parfois postés derrières des sacs de sables ou des écrans pare-balles (malls et aéroports). Le fait de devoir souvent passer par des portiques détecteurs de métaux et passer les sacs au scanner pour aller simplement au marché (Lajpat nagar), dans les malls, les monuments ou au bowling.

Autant en France Mélanie se retournait dans la rue et faisait des commentaires dès qu'elle voyait une personne en costume traditionnel du genre:" tu as vu la dame comme elle est déguisée!!!!", autant ici elle ne parait pas plus surprise que ça par la diversité de l'habillement tant des hommes que des femmes et des enfants: sarees, kurtas, longi, turbans, femmes entièrement voilées, chignons des garçons Sikhs... Juste une fois, alors que nous étions assis tranquillement dans un parc, nous avons vu débouler vers nous un groupe d'une dizaine de nagas (sadhus entièrement nus), je dois dire que ça a fait son petit effet sur les enfants qui sont restés bouche bée pendant un petit moment.
Quant à Olivier, je me rappellerais toujours notre premier jour à Delhi où nous avions pris un taxi conduit par un Sikh et où il a passé tout le trajet à hurler en le regardant. Le monsieur en question était désolé et nous disait:" mais qu'il regarde par la fenêtre, c'est sûr que je lui fais peur!!!!".

Le climat aussi les étonne et leur font perdre leurs repères: "on est en hiver?", "les feuilles tombent des arbres, on est en automne ou au printemps?", "C'est bientôt les grandes vacances?" -"Ah non, c'est dans trois mois!". J'ai droit aussi à "J'aimais bien la pluie et le brouillard, ça me manque", "C'est nul ici, il ne neige jamais!". Quant à Olivier, il a très peur de la pluie, il faut dire qu'il n'a plut que 4 fois depuis le mois de septembre.

* Bonjour Madame, j'ai faim!